Descartes, Le Monde, Traité de l'Homme. Fig. 30.

Ainsi que, si on passait plusieurs aiguilles ou poinçons, au travers d'une toile,
comme vous voyez en la figure,
les petits trous qu'on y ferait demeureraient encore ouverts,
après que ces aiguilles en seraient ôtées;
ou s'ils se refermaient, ils laisseraient des traces en cette toile,
qui seraient cause qu'on pourrait les rouvrir fort aisement.
& même il faut remarquer que, si on en rouvrait seulement quelques-uns,
cela seul pourrait être cause que les autres se rouvriraient aussi en même temps;
principalement s'ils avaient été ouverts plusieurs fois tous ensemble,
& n'eussent pas coutume de l'être les uns sans les autres.
Ce qui montre comment la souvenance d'une chose peut être exitée par celle d'une autre,
qui a été autrefois imprimée en même temps qu'elle en la Mémoire.
Comme, si je vois deux yeux avec un nez,
je m'imagine aussitôt un front & une bouche, & toutes les autres parties d'un visage,
pour ce que je n'ai pas accoutumé de les voir l'un sans l'autre.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 



Descartes, L'Homme, éd. 1664.

Car si la figure de quelque objet particulier est imprimée
beaucoup plus distinctement qu'aucune autre,
à l'endroit du cerveau vers lequel est justement penchée cette glande,
les esprits qui tendent vers là
ne peuvent manquer d'en recevoir aussi l'impression.
Et c'est ainsi que les choses passées
reviennent quelquefois en la pensée,
comme par hasard,
& sans que la Mémoire en soit fort excitée
par aucun objet qui touche les sens.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 



Descartes, Les passions de l'âme. Article XLII.

Comment on trouve en sa mémoire les choses dont on veut se souvenir:
Ainsi lorsque l'âme veut se souvenir de quelque chose,
cette volonté fait que la glande,
se penchant successivement vers divers côtés,
pousse les esprits vers divers endroits du cerveau,
jusqu'à ce qu'ils rencontrent celui où sont les traces
que l'objet dont on veut se souvenir a laissées.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 



Descartes à Chanut. 6 Juin 1647.

Lorsque j'étais enfant, j'aimais une fille de mon âge,
qui était un peu louche,
au moyen de quoi, l'impression qui se faisait par la vue en mon cerveau,
quand je regardais ses yeux égarés,
se joignait tellement à celle qui s'y faisait aussi pour émouvoir en moi la passion de l'amour,
que longtemps après, en voyant des personnes louches,
je me sentais plus enclin à les aimer qu'à en aimer d'autres,
pour cela seul qu'elles avaient ce défaut.